Philippe Péridont, Directeur du Centre Hospitalier Intercommunal de Castres-Mazamet, Directeur du Centre Hospitalier de Revel
« La dimension territoriale est au cœur de l’ADN du CHIC ; c’est la responsabilité de sa mission en santé mais aussi de son rôle économique »
Ce mois-ci, notre invité n’est pas un entrepreneur comme les autres : c’est un directeur d’hôpital, qui gère son établissement comme une entreprise avec une seule préoccupation : la recherche de qualité et de performance mais avec le souci du bien-être du patient avant toute chose !
La Technopole n’accompagne pas le CHIC dans ses projets de croissance comme nous le faisons avec les startuppers mais nous collaborons ensemble pour promouvoir le territoire sur des sujets d’excellence comme l’Université de la e-santé, pour favoriser les collaborations hôpital/start-ups, et l’aider à rechercher des solutions nouvelles pour contribuer au bien-être de ses patients, de leurs proches et des professionnels qui les accompagnent.
CMT : Auriez-vous pensé un jour devenir directeur d’un centre hospitalier inscrit au cœur du GHT Occitanie et avec plus de 1000 emplois ?
(Précision : 2000 emplois pour le CHIC Castres-Mazamet sans compter le CH de Revel)
Philippe Péridont : J’ai commencé ma carrière de directeur d’hôpital sans imaginer ni envisager devenir un jour chef d’établissement, qui est un métier très différent de celui de directeur adjoint. Toute vie professionnelle est faite d’inattendus et d’opportunités à saisir ; on m’a proposé un jour l’intérim de direction d’un petit hôpital, j’ai accepté puis la vocation de chef d’établissement m’est venue. J’ai ensuite eu la chance de pouvoir la concrétiser et aussi l’énergie d’y consacrer beaucoup de travail. Diriger un établissement de référence tel que le CHIC Castres-Mazamet est une grande responsabilité et une grande fierté.
CMT : Actuellement, quels sont les principaux enjeux auxquels vous êtes confrontés ?
Philippe Péridont : Il y a vraiment 2 enjeux stratégiques. Le 1er enjeu est d’adapter sans cesse l’offre de soins pour mieux répondre aux besoins, dans des circonstances inattendues et imprévisibles comme pour le COVID (le CHIC a créé des activités nouvelles, des services dédiés, parfois temporaires) ou de manière plus planifiée notamment dans le cadre du Projet Régional de Santé. Il faut construire les projets avec les équipes médicales et soignantes, avec les acteurs de la ville, puis les mettre en œuvre dans toutes leurs dimensions y compris parfois batimentaires, hôtelières, biomédicales, technologiques, juridiques, financières…. C’est un travail passionnant, rigoureux et parfois aussi de patience. Créer l’activité d’exploration du sommeil fin 2018, ouvrir un nouveau service de SSR en 2019 ou installer notre 2ème IRM (en janvier 2022) c’est à chaque fois plus d’un an de travail en amont.
Le 2ème enjeu stratégique est évidemment celui des compétences : on ne soigne pas sans médecin, sans infirmier, sans sage-femme,. Dans un contexte de contrainte démographique très forte dans ces métiers, le sujet de l’attractivité est primordial : attractivité d’une équipe, de l’établissement, du territoire. Tout rentre en ligne de compte.
CMT : La santé n’a pas cessé de se transformer ces dernières années. Au CHIC, avez-vous des projets d’envergure à venir ?
Philippe Péridont : Le CHIC a des projets d’envergure et aussi des projets plus modestes mais également importants sur l’offre de soins. Les projets les plus importants concernent l’ouverture d’un nouveau service de Soins de Suite et de Réadaptation de 20 lits sur le site de Mazamet qui permettra de rendre plus fluide les parcours patients, dans des conditions hôtelières de très grande qualité. Dans quelques semaines c’est ensuite une IRM supplémentaire qui sera mise en service, en coopération avec les radiologues libéraux, permettant ainsi de doubler complétement l’offre d’imagerie en coupe de l’établissement (2 scanners et 2 IRM sur le site de l’Hôpital du Pays d’Autan). Mais le projet le plus important à moyen terme est la construction d’une extension de l’Hôpital du Pays d’Autan pour accueillir les lits de SSR spécialisés actuellement aux Monges et de créer, en partenariat avec la médecine de ville, un centre d’accès aux soins non programmés et de prise en charge de populations spécifiques. C’est un projet de près de 25M€, pour préparer au mieux ce que doit être le CHIC en 2030. Il y a également des projets de moindre ampleur mais très importants pour l’offre de soins et menés dans le cadre du GHT Cœur d’Occitanie comme la réalisation de soins intensifs en néonatalogie (néonat 2B) permettant de prendre en charge des grossesses plus complexes.
CMT : Avec toutes les tensions qui explosent au sein du système hospitalier en France, comment le CHIC s’organise-t-il pour y répondre ? Autrement, et même si un hôpital n’est pas une entreprise comme les autres, comment arrivez-vous à recruter dans un secteur en très haute tension ?
Philippe Péridont : L’attractivité du CHIC pour les professionnels médicaux et soignants est un enjeu stratégique. Il faut assurer le remplacement des départs (retraite, départs divers, …) et le recrutement des professionnels pour assurer les nouvelles activités. Ainsi il nous faut recruter chaque année une 15aine de médecins et une 50aine d’infirmiers. De ce point de vue, le CHIC compte sur son Institut de Formation des Métiers de la Santé qui forme chaque année 70 élèves infirmiers et 74 aides-soignants. Pour autant, nous ne pouvons pas jouer sur le niveau de rémunération et en soi, le statut public n’est plus un critère de recrutement pour des jeunes qui ne se projettent plus dans des notions de carrière. Donc l’image du CHIC, la qualité de son organisation, la qualité dans les relations d’équipe sont des éléments qui peuvent être déterminants. Pareillement l’établissement a développé en partenariat des dispositifs de garde d’enfants, de crèche et travaille sur un projet de conciergerie avec la Communauté d’agglomération. L’attractivité du Tarn Sud est également primordiale et nous sommes donc nous même porteur des atouts de ce beau territoire.
CMT : L’hôpital, c’est aussi un facteur d’attractivité territorial et de dynamisme économique, avez-vous conscience de ce rôle et comment y répondez-vous, l’achat local, régional est-il intégré dans les appels d’offre ?
Philippe Péridont : La dimension territoriale est au cœur de l’ADN du CHIC ; c’est la responsabilité de sa mission en santé mais aussi de son rôle économique ne serait-ce que par son impact sur l’emploi local. Certes beaucoup d’achats se font sur un marché à dimension internationale (molécules pharmaceutiques, équipements biomédicaux,…) et via des achats groupés mais l’intégration dans l’écosystème économique local est une réalité pour de nombreux marchés : de très nombreuses PME-PMI du Tarn Sud sont des prestataires de l’hôpital, en matière de travaux, de maintenance, de fournitures diverses, de prestations médico-techniques et médicales, d’informatique et réseau,…. L’intégration dans l’écosystème c’est aussi celui de la formation avec par exemple la coopération avec l’école d’ingénieur ISIS ou celui de la recherche avec des équipes et des entreprises toulousaines.
CMT : Dernière question, est-on directeur d’un hôpital comme le CHIC 365 jours par an, 7 jours / 7 ? Et comment faites-vous pour préserver une vie sociale, familiale, … ?
Philippe Péridont : Etre directeur d’un établissement comme le CHIC est à la fois passionnant, exigeant et éreintant. Mais comme pour toutes les fonctions de cette nature, et tout en étant dans l’action, la capacité à prendre du recul, de la hauteur est fondamentale.
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